Post Mortem; Gaspésie 2016:

J’ai appris beaucoup de choses pendant ce périple! Sur le cyclotourisme, sur mon physique, sur mon mental, sur mon équipement, sur mon environnement, sur mes valeurs fondamentales, sur la méditation, sur la solitude, sur le dépassement de soi-même, sur la chance qu’on a de vivre, de vivre en santé, de vivre en profitant de chaque instant!

Commençons par le Bien-Être:

Au fil des années et après avoir traversé de nombreuses périodes tumultueuses au cours de ma carrière, j’en étais venu à me demander si je réussirais un jour à retrouver la paix en mon fort intérieur. De façon générale, j’ai tout le temps le cerveau en ébullition, à mijoter des projets, à envisager le futur, à chercher des solutions, etc. Je pense qu’on appelle ça de l’anxiété. Pour moi, dormir 5 heures d’affilées est un luxe, voire un miracle! Elle est loin la période où je voyageais nonchalamment au Sri Lanka avec Claudette sans me préoccuper du lendemain, où je pratiquais la méditation dans des bains d’eau salée au Nautilus, où je suivais des cours de Synergie pour améliorer mes techniques de relaxation. Sincèrement, d’avoir perdu ce sentiment de plénitude et de bien-être me préoccupe depuis de nombreuses années. C’est un peu comme si je me sentais handicapé.

Je n’ai pas réussi à atteindre ce summum pendant mon voyage mais j’ai tout de même réalisé que j’en avais encore la capacité. 13 jours, c’est court pour se défaire de mauvaises habitudes de vie. Hier, en parlant de mon voyage avec les aubergistes, j’ai réalisé qu’il y avait belle lurette que je ne m’étais senti aussi relax, aussi détaché du quotidien. Comme un immense sentiment de liberté, juste à contempler ce qui m’entoure, simplement ça. Ça me laisse espérer qu’avec un périple de plus de 30 jours, j’arriverais enfin à exister dans le présent, à sentir mon coeur battre le tempo, à me laisser divaguer sans crainte du lendemain.

Ça me rend heureux de penser que je pourrai un jour retrouver cette paix intérieure!

Le physique:

Quand je consultais les blogs de cyclotouristes qui se tapaient des journées de 100 à 125 kilomètres, je me disais que j’étais trop vieux, trop obèse, trop faible pour réaliser de telles performances. Bien sur, l’objectif n’est pas de faire une course contre la montre mais on est toujours inquiet de ses capacités quand on affronte un vent de face ou un parcours particulièrement vallonné. C’est pourquoi la réputation des 12 kilomètres de côtes à 10-12% de la Grande Madeleine en Gaspésie me faisaient douter de mes aptitudes. Bof…quand c’est trop pentu, on pousse et c’est pas plus grave que ça…que je ne cessais de me répéter. J’avais déjà expérimenté une situation semblable en juin dernier en parcourant les 2 rives du Saguenay.

Pas besoin d’entrainement spécial. Il suffit de commencer graduellement et le corps s’ajuste au jour le jour, en autant que la géométrie de votre monture est bien ajustée à votre physionomie. Une bonne selle et le tour est joué!

Mais c’est pas si simple que ça!!! Pédaler pendant des heures avec 75 kilos d’équipements à remorquer vous amène dans des états seconds où chaque sensation, chaque douleur, chaque effort vous transmettent un signal dans le cerveau. Je compare ça à de la méditation, ou à du Yoga. Vous vous enfoncez dans votre bulle et ça devient comme une drogue. Les endorphines vous stimulent et un profond sentiment de bien-être vous submerge. À chaque jour, vous percevez votre forme physique s’améliorer, votre endurance s’accroître et éventuellement votre tour de ceinture fondre progressivement. De la ceinture, j’en ai à revendre abondamment!

Vous constatez qu’une douleur au genou s’atténue en les rapprochant de l’axe du vélo, qu’une point sous la plante des pieds disparaîtra en changeant de position sur la selle, que des picotements dans les doigts et les coudes s’estompent en changeant de position des mains sur le guidon, et qu’un mal au cul s’atténue en pédalant quelques coups en danseuse ou simplement en prenant une pause collation de quelques  minutes.

Une baisse d’énergie, un gargouillement de l’estomac, les coins de la bouche qui sèchent vous suggèreront de boire plus fréquemment et de bouffer avant d’atteindre l’épuisement. C’est la pire chose qui puisse vous arriver. On dit que si vous attendez d’avoir soif avant de boire, qu’il sera trop tard pour éviter la déshydratation. Personnellement, j’ai trouvé ça drôlement stimulant de percevoir  mon corps me transmettre ces messages à tour de rôle.  Quelle belle machine que le corps humain!

Bien entendu, ne pas oublier la d’utiliser la crème de bronzage, le baume pour les lèvres et la crème chamois sur votre postérieur. (Pas indispensable mais ça prévient des gerçures)

Le mental:

J’ai adoré le sentiment de plénitude qui m’habitait pendant ces longues périodes d’effort. On se retrouve face à soi-même, on rencontre ses limites et on tente de les surpasser. J’ai constaté que de longues périodes à l’effort continu réduisait mon enthousiasme et ma motivation. Soudainement, après avoir rejoint un vent favorable ou une dénivelé négatif, mes énergies revenaient de plus belles et je pouvais parcourir des dizaines de kilomètres supplémentaires comme si je commençais une nouvelle journée. C’était comme si les muscles de mes jambes s’étaient transformé en acier. Ok bon, je charrie un peu mais je suis persuadé que vous comprenez le fond de ma pensée.

Veux veux pas, après plusieurs heures de pédalage, tu finis par cesser de réfléchir au passé et au futur pour ne te concentrer que sur le présent. Tu admires le paysage, compte les bestioles écrasées par les véhicules sur ton chemin, tu écoutes ton corps, les bruits de ton vélo, (et celui des putains de pickups et camions qui ne cessent de passer),  tu fais un arrêt pour prendre une photo, boire régulièrement et grignoter des barres tendres ou des noix tout en roulant. Lors de parcours monotones, tu me mets de la musique si la circulation n’est pas trop dense.

Il y a d’autres périodes où ça prend une tournure plus philosophique. Tu réfléchis au sens que tu veux donner à ta vie, aux éléments que tu voudrais changer pour devenir meilleur, pour rendre les gens de ton entourage plus heureux. Sans prendre de résolutions définitives, tu espères réussir à améliorer le quotidien à ton retour afin que cette expérience ne devienne pas qu’un souvenir.

Les sentiments :

J’ai remarqué que plus les jours avançaient, plus mes organes sensoriels devenaient affutés. J’étais de plus en plus à l’écoute des autres, sourire me rendait plus heureux, croiser des animaux écrasés dans la rue m’attristait au plus haut point (je n’oublierai pas de sitôt la mère canne et ses 3 canetons écrabouillés sur le bas-côté de la chaussé). L’anecdote du chat abandonné près de Mont St-Pierre me trouble encore profondément.

Lundi dernier, alors que mon B&B était pourvue d’une télévision, je suis tombé sur une émission spéciale de Grand Reportage à RDI. On y repassait le documentaire « La mort m’a dit » en hommage à Anne-Marie Séguin qui a finalement succombé dans l’allégresse à son cancer le 20 août dernier. Quel beau témoignage du cadeau que nous offre la vie!  Combien d’entre nous prennent le temps d’apprécier chaque moment qui passe? Profitent de chaque instants en étant conscient que jamais ils ne se reproduiront?  Qu’on a qu’une vie et que le replay n’est pas une option? Let’s go les amis et faites savoir à votre entourage que vous les aimez! Écoutez  attentivement le message qu’ils ont envie de vous partager!

Alors Alors, vous me croyez maintenant quand je vous dit qu’au fil des jours, votre sensibilité s’accroit?

Le Cyclotourisme:.

Ma monture est ce qu’il y a de plus précieux. Sans elle, rien ne va. Le moindre bruit suspect attire l’attention et il ne faut pas les ignorer. Un disque qui grince, une roue qui se dérobe dans un tournant, un changement de vitesse qui bloque, une sacoche qui claque, etc.

Tout ces petits symptômes sont comme des Anges-Gardien qui te préviennent d’un danger imminent!

La Sécurité

Ça englobe plusieurs aspects. Après plusieurs heures d’efforts, notre concentration diminue et c’est à partir de ce moment là que ça se complique en roulant. Un trou dans la rue, un morceau de vitre, un clou, un virage qu’on aborde à trop grande vitesse, un véhicule qui roule sur l’accotement qu’on aperçoit approcher par notre rétroviseur, un changement de direction qu’on manque parce qu’on est distrait, la pluie qui obstrue nos lunettes et j’en passe. Contrairement à ce qu’on serait porté à croire, le cyclotourisme, ça demande beaucoup de concentration et à la fin de la journée on se retrouve souvent mentalement épuisé. Ça vous conduira à oublier vos lunettes sur un comptoir, à perdre votre porte-feuille ou vos clefs de cadenas. Je me suis fait un check list dans une note sur mon cellulaire pour m’assurer que je n’ai rien oublié à chaque fois que je déménage d’endroit.

C’est aussi la protection de notre matériel. Il y a beaucoup de petits équipements sur le vélo: Sacoches, cyclo-mètre, pompe, GPS, Iphone, sac à outils, courroies élastiques, bouteilles, selle et même les roues. En solo, on doit abandonner sa monture à chaque lieu de ravitaillement, sur le camping, les traversiers, etc. Je n’aurais jamais envisagé que des enfants puissent dérober une gourde sale et usagée devant un restaurant. Mais c’est arrivé. Un détail me direz vous? Non, cette gourde était muni d’un bec verseur spécial et dotée d’un isolant thermique qui prolonge la fraicheur de son contenu. Ses dimensions et forme particulière épousent le profil des supports sur le vélo. J’ai été négligent et ça m’a fait prendre conscience à quel point un cyclotourisme est vulnérable. J’ai été chanceux qu’ils ne me subtilisent pas ma pompe de vélo ou mon sac à outils.

Le feu:

Prudence avec le réchaud au gaz, avec l’eau bouillante (je me suis brulé en versant de l’eau dans ma cafetière) et plus que tout, tenir les feux de camp éloignés de la tente.

Les prédateurs: (autres que les humains)

Pas de bouffe dans la tente. Ça attire les fourmis, les écureuils, les ratons laveurs, les ours… Je vous promet que les parois de la meilleure tente ne résisteront pas aux griffes d’un raton! N’oubliez surtout pas d’apporter un bon chasse-moustiques!

Le sommeil:

Ça c’est plus personnel. Un bon matelas gonflable pour couper l’humidité et les imperfections du sol. Un étui de soie à l’intérieur du sac de couchage pour le garder propre et ajouter une couche d’isolant. (Non, on ne peut pas toujours avoir accès à une douche en fin de journée). Des bouchons à oreilles contre les voisins bruyants, un bandeau pour les yeux si vous voulez dormir le matin, et des somnifères si vous avez le sommeil léger. Et j’oubliais!…une bouteille de plastique pour évacuer vos envies pressantes pendant la nuit sans avoir à sortir de votre abri!

Est-ce que j’ai fait le tour de la question? Non, surement pas! Je ne suis encore qu’un novice en la matière. Je tenais à mettre ces observations par écrit pour suivre mon évolution au fil des aventures qui suivront. Car oui il y en aura d’autres, sans doute plus exotiques les unes que le autres! J’ai attrapé la piqûre!

Merci Claudette de m’encourager et me supporter dans mes rêves les plus fous!

Auteur : Pierre

À l'aube de la 60'n, je rêve de traverser les Amériques en cyclo-tourisme d'ici quelques années! En attendant, je parcours le Québec en cyclotourisme sur mon Surly et je transforme notre Tandem semi-couché Pino en Tandem Solaire afin de voyager avec Claudette! En janvier 2018, direction Carretera Australe en Patagonie! et en juin: France Alpes en Pino Solaire! Early 60's, French Canadian, I love cycling, travelling, nordic skiing and enjoy life! Plan to leave home for a journey across both Americas in a near future!

4 réflexions sur « Post Mortem; Gaspésie 2016: »

  1. Wow! C’est assez impressionnant comme réflexion.. Je ne ferais pas mieux après plus de 3 mois sur la route. Être en solo facilite sûrement l’introspection.

    Tu en a parlé au cours des billets précédents, mais j’ajouterais la section ‘les gens’, et à quel point la plupart du temps, tous sont prêts à nous accueillir et à nous aider.

    Chaque fois que je faisais un voyage d’une semaine, je me disais: je continuerais bien, j’ai tout ce qu’il faut sur mon vélo! Et maintenant que c’est ce que je fais pour un bon moment, je me demande comment je vais faire pour arrêter et retourner à une vie sédentaire…Il me reste environ 2 mois pour trouver la solution mais plus rien ne pourra être comme avant.

    C’est clair que tu as eu la piqûre! Je t’encourage à continuer et je te confirme que tu atteindras l’équilibre que tu recherches d’une façon ou d’une autre car à si bien analyser et schématiser, il ne peut en être autrement.

    Je te souhaite le plus de ‘moments de grâce’ possible! (C’est ainsi que j’appelle ces moments où l’on se sent en si parfaite symbiose et tellement heureux que l’on devient émus.)

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  2. Bonjour Pierre,
    Bravo pour cette belle aventure qui malgré les petites difficultés semble t’avoir « transformé » ! Un bel article de bilan sur cette grande balade à vélo ! Et le tandem ? Où est-il ? A bientôt à te lire dans de nouveaux voyages, proches ou lointains,
    Les TSAGA

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